PCF Vigneux-sur-Seine

PCF  Vigneux-sur-Seine
Accueil
 
 
 
 

NON, A CETTE REFORME DU COLLEGE!

Patrice Allio

Enseignant au collège Weiler de Montgeron

Syndiqué au SNES-FSU.

 

Une grève très majoritaire, n'en déplaise au gouvernement!

Avant d'expliquer les raisons de l'opposition des enseignants à cette réforme du collège, il importe de mesurer l'ampleur de ce mouvement et de dénoncer par conséquent les chiffres du Ministère de l’Éducation Nationale sur les taux de grévistes, 27% le 19 mai et 11% le 11 juin.

Ces chiffres sont faux et sciemment minorés par le Ministère afin de minimiser l'ampleur du mouvement de contestation voire de le décrédibiliser.

Depuis 1989, un outil de recueil des taux de grève nommé MOSART ( MO dule de Saisie des Absences et des Retenues sur Traitement ) fonctionne.

D'une part, le nombre de grévistes est rapporté à l'ensemble des personnels de l'établissement, y compris le chef d'établissement, et non seulement à ceux qui travaillent ce jour-là. Ainsi, un enseignant ne travaillant pas le jour d'une grève est forcément considéré comme non gréviste, il en va de même d'un enseignant en arrêt maladie ou en stage.

D'autre part, les chiffres sont remontés au cours de la matinée, entre 9h30 et 10h30 en général, ce qui fait qu'un grèviste commençant après,10h30 ou travaillant l'après-midi donc après l'heure de remontée est compté comme non gréviste…mais le 30ième de son traitement pour service non fait lui sera retiré.

Enfin, le taux de grévistes affiché par le Ministère se base sur un échantillon d'établissements dits «représentatifs»...sans commentaire!

Dans la réalité, d'après les remontées des syndiqués du SNES, c'est plus de la moitié des personnels de collège qui étaient en grève le 19 mai et plus d'un tiers le 11 juin contre la réforme du gouvernement portée par ce gouvernement.

Dans un contexte compliqué de fin d'année où les enseignants doivent faire les derniers contrôles, ont des conseils de classe et préparent leurs élèves aux examens, contexte auquel s'ajoute la difficulté de perdre une journée de salaire pour une profession touchée de plein fouet par le gel du point d'indice depuis 2010, cela correspond à un rejet massif et sans équivoque de cette réforme.

Un constat biaisé pour mieux réformer...sans concerter.

Tout d'abord, cette réforme s'appuie sur un constat biaisé et orienté de l'état du collège.

Pour le Ministère, les élèves issus notamment des classes populaires connaissent l'échec au collège à cause d'un enseignement monolithique et ennuyeux basé sur une organisation en disciplines...qu'il faut réformer.

Même si les difficultés réelles sont nombreuses, il ne faut pas omettre ce qu'a subi le collège depuis 2002 à savoir la suppression de dizaines de milliers de postes (87 000 pour l'ensemble du secondaire), la réduction des horaires disciplinaires avec la généralisation des horaires planchers, l'assouplissement de la carte scolaire depuis 2007 qui n'a fait qu'accentuer les inégalités entre les établissements et développer une approche consumériste de l'éducation, l'augmentation des effectifs par classe (de 28,6 élèves par classe en 2000 à 29,8 en 2014 en moyenne), les effets ravageurs du socle commun et de son approche par compétences depuis 2005, la perte d'attractivité de la profession et la crise du recrutement...

Malgré ces mesures imposées par ceux qui étaient au pouvoir , les études montrent que depuis 2000, le collège ne s'en sort pas si mal, il perpétue les difficultés en français sans les aggraver et réduit légèrement celles rencontrées en mathématiques. Dans ces conditions, il faudrait réformer pour améliorer la situation mais ce n'est pas ce qui est proposé.

Cette réforme quoiqu'en dise le gouvernement apparaît alors comme une étape supplémentaire dans la mise à mal du collège.

Une réforme qui engage l'avenir des jeunes ne peut être imposée contre l'avis de la profession et sans de réelles discussions et concertations.

Alors qu'il aurait fallu des mois de concertations et de dialogues, tout a été fait à la hâte et dans la précipitation. La première réunion s'est tenue le 11 mars et le projet a été présenté le 10 avril au Conseil Supérieur de l' Éducation.

Il faut, également, rappeler que seuls deux syndicats (l'UNSA et le SGEN) représentant 20% des enseignants approuvent cette réforme. Quant à la FCPE (Fédération des Conseils de Parents d’Élèves) dont le dernier congrès a eu lieu fin mai, les médias en ont présenté l'accueil triomphal fait à la Ministre de l’Éducation sans préciser que pour la première fois depuis sa création en 1947, son président qui se représentait n'a pas été réélu ni le rapport d'activité voté? La cause principale en est un soutien trop marqué à cette réforme.

En fait, le gouvernement s'est surtout attelé à communiquer et non à dialoguer en insistant sur des oppositions binaires qui ne tiennent pas compte des réalités et dissimulent les véritables enjeux, il n'a pas hésité, ainsi, par la voix de sa Ministre à opposer effort et plaisir, tradition et modernité, théorie et pratique, disciplines et interdisciplinarité.

Pour finir, ce gouvernement impose par décret le 20 mai, dès le lendemain d'une grève très majoritairement suivie, cette réforme rejetée. Pourquoi un tel mépris, un tel déni de démocratie, une telle hâte? Pourquoi un gouvernement qui se dit de gauche ne voit-il pas le danger politique de s'opposer à la très grande majorité des enseignants? Est-il nécessaire de lui rappeler la part des errements d'Allègre dans l'élimination de Jospin pour le deuxième tour de l'élection présidentielle en 2002?

Une réforme en trompe-l’œil qui accroit les inégalités.

C'est une réforme multiforme et relativement complexe qui peut être vue comme s'articulant autour de 4-5 points forts... qui sont autant de leurres.

Les horaires disciplinaires sont diminués de 20% pour financer l'Accompagnement Personnalisé et les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires qui sont les deux grandes nouveautés censées résoudre tous les problèmes.

Pour un élève sur les 4 années de collège, cela fait une perte de 504 heures soit les ⅔ d'une année de cours. Cela peut-il être positif pour élever le niveau des élèves et surmonter leurs difficultés?

L'Accompagnement personnalisé (3 h/semaine en 6ème, et 1 heure en 5ème, 4ème et 3ème) existait déjà en 6ème. Le problème est qu'il n'a rien de vraiment personnalisé dans la mesure où il correspond à 1 heure par semaine en classe entière ou pour une classe de 28 élèves divisée en groupe de 7 élèves à de l'accompagnement toutes les 4 semaines. Comment peut-il être efficace dans ces conditions?

Les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (3h/semaine en 5ème, 4ème et 3ème) sont présentés comme l' ultime remède contre l'ennui des élèves.v Ils sont pris sur les heures disciplinaires. Par exemple, si l'EPI "développement durable" se fait sur la base de 2h, cela signifie que l'élève aura 1h en moins en histoire-géographie et 1h en moins en SVT par semaine. De plus, si le professeur s'occupe d'un groupe, les autres élèves devront travailler seuls.

Le travail interdisciplinaire se pratique déjà largement. Ici, il est imposé sans offrir aux professeurs la moindre concertation et il est peu ambitieux. Il impose de réaliser des productions concrètes par exemple une maquette d'éolienne...

Les EPI, loin de venir enrichir les apprentissages disciplinaires, les déstructurent et créent des conditions d'enseignement sans bénéfice pour les élèves, tout en se traduisant par un alourdissement de la charge de travail des enseignants et une organisation qui sera forcément chaotique

Supprimer ce qui fonctionne car c'est couteux en heure et ...soi-disant élitiste!

Ces pseudo-nouveautés entrainent la disparition des classes euro, de l'option Découvertes Professionnelles en 3ème ( DP3), la quasi disparition des classes bilangues et menacent les langues anciennes et régionales.

Pour justifier la quasi surpression des classes bilangues, il est affirmé que la langue vivante 2 serait introduite dès la classe de 5ème mais cela se fait avec des horaires insuffisants (2 heures hebdomadaires) pour s'approprier une langue, constat partagé par tous les spécialistes. En réalité, il ne suffit pas de commencer une langue tôt ni de faire du saupoudrage, il faut des pratiques efficaces et cela passe d'abord, par un nombre d'heures conséquent et des effectifs réduits, donc des groupes. Comment penser que cela puisse être bénéfique pour les élèves dans la mesure où par exemple un élève de bilangue qui suit 410 heures d'allemand aujourd'hui en suivra 270 après la réforme? De qui se moque-t-on?

Dans le même ordre d'idée, le Ministère a beau jeu d'annoncer «le latin pour tous». Dans la réalité , il est plus que menacé et les inquiétudes sont justifiées. En effet, les élèves pourront faire du latin un semestre dans le cadre des EPI sur le cycle 4 soit 1h/semaine, ce qui correspond à une quinzaine d'heures. Ce sera une approche culturelle avec l'étude de la civilisation et non de la langue. Les élèves les plus déterminés auront la possibilité de suivre un enseignement de complément mais avec des horaires réduits par rapport à l'existant, horaires pris sur la marge des classes qui est très mince et qui doit aussi permettre les demi-groupes entre autre... Comment ne pas voir dans cette quasi disparition du latin une façon de redéployer les postes de lettres classiques vers les postes de lettres modernes qui connaissent une pénurie de recrutement et donc de faire des économies?

Comment ne pas y voir un renoncement dans la mesure où le latin est un enseignement d'excellence ouvert à tous les élèves et non réservé à une élite?

Le meilleur pour tous quelque soit leur origine, leur condition sociale, n'est-ce pas ce vers quoi doit tendre une réforme plutôt que de proposer un saupoudrage aléatoire et démagogique qui ne peut qu'accroitre les inégalités entre les établissements et entre les élèves?

La dérèglementation des enseignements: 4000 collèges en France et 4000 organisations différentes. Vers la fin d'un service public d'éducation?

Cette réforme entérine la disparition de tout cadre national car il n'y a plus de repères horaires hebdomadaires. Cela ouvre encore un peu plus la porte à l'aggravation des inégalités!

En 6ème, les horaires fixes disparaissent en SVT, physique-chimie et technologie (4h globalisé). D'un collège à l'autre, les horaires de ces disciplines pourront changer (par exemple, 1h de svt dans le collège x et 2h dans le collège y).

En 5ème, 4ème, 3ème, chaque établissement aura la possibilité de moduler les horaires de disciplines comme il l'entend si bien que par exemple, les horaires de mathématiques en 4ème pourront être différent d'un établissement à l'autre .

Outre la concurrence entre les disciplines et les enseignants, qu'adviendra-t-il d'un élève qui change d'établissement et qui ne retrouvera pas la même organisation? Faudra-t-il interdire les déménagements?

Cette autonomie des établissements apparaît comme un moyen de renforcer le pouvoir des chefs qui arbitreront entre les disciplines et les collègues pour la répartition des heures. Elle ne peut que briser le collectif de travail et alourdir la charge de travail des enseignants.

Elle complique aussi l'entrée et la réussite des élèves au lycée car venant de collèges différents, ils auront suivi des parcours complètements différents.

Entre improvisation, empressement et incompétence, une réforme liée à de nouveaux programmes!

Pour finir et renforcer le sentiment de malaise laissé par cette réforme, elle est accolée à un changement des programmes qui doivent être effectifs à la rentrée...2016, dernière rentrée avant les élections présidentielles.

Comme si la barque n'était pas assez chargée, les programmes des 4 niveaux du collège entreront en vigueur la même année, du jamais vu dans l'histoire de l'éducation!

Les enseignants devront préparer les nouveaux cours des 4 niveaux et les éditeurs, de nouveaux manuels qu'il faudra financer, pour septembre 2016!

Jusqu'à aujourd'hui, les nouveaux programmes commençaient en classe de 6ème et suivaient la montée des élèves pendant leurs quatre années de collège.

Il n'est pas utile d'insister sur tous les problèmes inhérents à l'improvisation et la hâte de tout cela. Chacun se fera son opinion!

Par exemple, en histoire, la Première guerre mondiale est étudiée actuellement en classe de 3ème, elle le serait en 4ème dans les nouveaux programmes... et donc à la rentrée 2016, les élèves qui entreront en 3ème n'auront pas étudié ce conflit majeur au collège. Que dire?

Pour toutes ces raisons et d'autres encore, la lutte continue contre cette réforme dangereuse pour le collège!

Elle ne permet pas de répondre aux exigences de la société actuelle.

C'est pourquoi, les enseignants continueront de s'opposer à cette réforme tout en revendiquant et proposant de véritables solutions qui passent par:

- un collège structuré par des disciplines scolaires inscrites dans des programmes nationaux avec des repères annuels.

- une réflexion sur la carte scolaire ouvrant à davantage de mixité sociale.

- des diminutions d'effectifs dans les classes.

- des demi-groupes dans toutes les disciplines garantis dans des grilles nationales.

- des temps de concertation intégrés au service.

- des pratiques diversifiées rendues possibles grâce à une formation initiale et continue des enseignants digne de ce nom.

La lutte continue et nous invitons tous les citoyens à y participer, c'est l'avenir de l'école qui est en jeu!

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.

 

NON, A CETTE REFORME DU COLLEGE!

le 21 June 2015

    A voir aussi